Emergence citoyenne et institutionnalisation :  la place de la participation dans le projet MPOB

 

 Caroline Darroux et Pierre Léger

 

Dans le cadre du programme de recherche dirigé par Jean-Louis Tornatore : « Patrimoine et action citoyenne, actualité de l’activité patrimoniale. Une mise en perspective inter-régionale », j’ai réalisé une enquête et un rapport de recherche sur la création de la Maison du Patrimoine Oral de Bourgogne et le processus qui y a conduit. Ce programme et cette enquête menée pour le Centre George Chevrier ont été soutenus par le Conseil régional de Bourgogne dans le cadre des crédits FABER. La communication présentée le 4 septembre visait à rendre compte des analyses produites à partir de cette enquête.

 

Le propos fut présenté à deux voix. Pierre Léger, militant depuis quarante ans dans le milieu associatif pour la promotion de la culture populaire dans le Morvan et la Bourgogne et président de l’association des Langues de Bourgogne qui fait partie de la Maison du Patrimoine Oral de Bourgogne, et moi-même. Si l’anthropologue que je suis pose une analyse scientifique sur les choix et les postures des acteurs de ce projet, je le fais selon un protocole qui vise à explorer le pragmatisme en sciences sociales et à conduire une « recherche attachée ». Je tends vers une proximité compréhensive des points de vue des acteurs et de leurs pratiques. Je cherche à prendre en compte leurs savoirs d’usage, leurs savoirs professionnels, leurs savoirs militants, car ces savoirs sont des ressorts incontestables du phénomène observé. Dans cette communication, Pierre Léger a présenté son point de vue, depuis sa propre centralité, nous aidant à percevoir ce que participer veut dire depuis son engagement politique pour les cultures populaires. Pour ma part, j’ai donc parlé depuis ma posture de chercheur attachée : impliquée dans l’enquête pour avoir exercé sur ce terrain pendant dix ans comme animatrice du patrimoine puis coordinatrice scientifique, y engageant ma puissance politique de chercheur en toute conscience et construisant méthodiquement une posture d’extériorité dans l’analyse. Le contexte de la création de la Maison du Patrimoine Oral de Bourgogne renseigne sur les modalités d’institutionnalisation de la culture populaire à l’échelle régionale. Il permet de suivre les frottements dus à la participation croissante des associations à cette patrimonialisation. L’observation des pratiques montre comment une Fabrique du patrimoine se met en œuvre d’une manière singulière au sein des associations de la MPOB, les ateliers de Langues de Bourgogne aident notamment à comprendre un parti-pris socio-économique spécifique, qu’on désignera comme une « économie de la reconnaissance », fondée sur un usage particulier de la propriété intellectuelle et du droit d’auteur produisant la valeur d’existence de ce patrimoine. Si, dans la dynamique régionale, les acteurs associatifs n’ont pas tous la même volonté d’irriguer l’institution, les acteurs institutionnels n’ont pas forcément le souhait de voir exister une structure au modèle et aux contenus en décalage avec l’approche conventionnelle du champ patrimonial ni les outils pour en percevoir toutes les articulations complexes. L’économie de la reconnaissance, mise en œuvre de manière spontanée et non-modélisée par les associations a cet inconvénient de n’être une économie que pour ceux qui accèdent à la pratique de la culture orale, elle est peu adaptée au système marchand : le public susceptible de consommer le bien patrimonial est celui qui le produit. La Maison du Patrimoine Oral de Bourgogne a évolué dans une voie alternative dont l’objectif s’oriente davantage vers la prolifération de la culture orale suivant le principe de la démocratie culturelle, que vers un développement économique ou un principe de démocratisation de la culture. Ce modèle économique non-advenu reste un défi qui permettrait de faire exister un dispositif citoyen d’attribution de valeur aux biens patrimoniaux dans le contexte global des économies de l’enrichissement. Pour le dire autrement, il serait peut-être une piste locale vers la fabrique d’un patrimoine citoyen.


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